Notre Histoire- La guerre de quarante

C’est à nouveau la guerre avec l’Allemagne, mais cette fois le moral n’y est vraiment pas. C’est le retour furtif des soldats qui ont pu échapper à la débâcle, puis l’occupation.

Chacun réagit à sa façon. En Ardèche tous les parlementaires, sauf Astier et Froment, votent les pleins pouvoirs à Pétain. Le passé d’ancien combattant du maréchal Pétain lui vaut une certaine indulgence et les mesures « travail, famille, patrie » flattent les idées des conservateurs. Chandolas héberge des réfugiés belges venus de la région de Charleroi. Des cérémonies conjuratrices se succèdent au monument au mort, rassemblant toutes les tendances sous le drapeau des « anciens combattants ».

La résistance commencera à s’organiser surtout à partir de 43. Les jeunes sont appelés au travail obligatoire, il y en a qui sont prisonniers dans un lointain Stalag. D’autres s’échappent en prenant des emplois dans l’administration ou en prenant le maquis. Le maquis s’organise peu à peu soutenu par des habitants qui ravitaillent, cachent et renseignent. Certains gendarmes en seront des alliés ainsi que le sous-préfet qui devra intervenir pour empêcher le massacre d’une partie de la population du village par les espagnols organisés en maquis et gîtant au domaine de La Roche. La municipalité de Chandolas refuse, elle, de retirer la statue de Marianne et de la remplacer par le portrait du maréchal Pétain.

Passons sur l’ambiance de suspicion réciproque qui a pu régner à cette époque, les plaies ont été longues à s’en refermer. A la fin de la guerre, le village de Maisonneuve sera l’objet d’une bataille en règle, rapportée dans l’article recopié ci-dessous.

PREMIER ENGAGEMENTS
Depuis de longs jours déjà la menace d’encerclement pèse lourdement sur les armées allemandes, du midi de la France. De tous côtés les colonnes remontent vers le Nord. Nos uni tés F. T. P.
sur pied de guerre attendent avec impatience les ordres pour aller de l’avant et infliger à l’ennemi des pertes sévères. De toutes les vallées de l’Ardèche elles se portent au-devant de l’adversaire. L’armement est défectueux, l’équipement incomplet, les réserves en munitions nulles, qu’importe : l’enthousiasme de nos gars est là pour tout compenser’.

Le dimanche 20 août, un éclaireur de liaison motocycliste du sous-secteur III rencontre dans le Gard une colonne allemande arrêtée au pont de Chamborigaud, qui venait de sauter. Forte d’environ 250 camions, cette colonne est formée par la garnison de MENDE et des éléments du PUY qui ont fait demi-tour pour essayer de gagner ALES par VILLEFORT et les VANS.

Ordre est donné aussitôt aux 3ème et 4ème Bat. F.T.P. de se porter en embuscade vers les VANS au ASSIONS et à MAISONNEUVE. Dans la nuit tous nos éléments prennent position.

Le lundi 21 août cette colonne essaie de franchir le CHASSEZAC pour gagner la Nationale 104 : coupée par les ponts détruits des VANS et de MAISONNEUVE. Elle installe un bac à traille à MAISONNEUVE, mais gênée par le feu des armes automatiques de la 7.106 et de la 7.111 elle renonce au passage et s’éclaire sur Ruoms et Vallon pour gagner la vallée du Rhône.

Le 22 elle occupe le village de Maisonneuve et fait effort pour déborder nos éléments avancés, mais elle est repoussée, pendant qu’une ligne défensive continue s’établit le long du Chassezac renforcée par les canons Américains de 37.

Continuant à glisser le long de notre dispositif de défense la colonne allemande sans cesse grossie d’éléments arrivant du Gard remonte vers le Nord et sans arrêt. Nos compagnies la harcèlent. A MAISONNEUVE, c’est le deuxième bataillon, arrivé en renfort qui fait décrocher l’ennemi du village un moment occupé. Plus au Nord les Espagnols du Commandant Moreno les arrêtent à nouveau par des tirs précis et meurtriers, soutenus à SAINT ALBAN par un corps franc américain qui est la seule unité non F.T.P. du secteur.

La route suivie par l’ennemi est jonchée de véhicules détruits qui témoignent de la violence des engagements. Cependant la colonne progresse en direction de VALLON…
(Ce document d’archive a été retrouvé grâce à « l’histoire du Vivarais »)

Vu des habitants, le pont de Maisonneuve a sauté, c’est le mois d’août, la rivière coule (il y avait de l’eau sous le pont de Maisonneuve au mois d’août-sans barrages- en ce temps-là !) ; les allemands essaient de traverser, les maquisards leur tirent dessus depuis le serre. Les tirs de mortier atteignent le village, les habitants fuient se réfugier à Chaulet en passant par les raccourcis (la Pousterle) à l’abri des falaises. Un jeune maquisard qui s’est trop avancé dans le village est tué, il sera enterré au cimetière de Maisonneuve. On ne sait pas qui il est.

Les allemands occupent le village, ils sont repoussés par un renfort du maquis. Deux filles sont fusillées par les maquisards, horreur de cette époque…

Les allemands s’en iront par la route de Grospierres, depuis les serres de Chandolas le maquis leur tire dessus. L’armée de libération, venue d’Afrique du Nord, traversera Maisonneuve pavoisée dans peu de temps. Le cauchemar est fini…

La modération de chacun évitera de sanglantes représailles à la libération et la vie reprendra. La guerre et l’occupation ont vu leur cortège de restrictions. Restriction à la circulation des gens, rationnement pour l’habillement et l’alimentation.

La liste des abonnés au téléphone (« Ceux qui ont pris le téléphone ») de Chandolas est courte début 44 :

  • Dalzon, « maire » ;
  • Dalzon.M., « négociant » ;
  • Ducros, « menuisier » ;
  • Nègre, « boucher » ;
  • Nègre, « expéditeur ;
  • Sévenier.H. ;
  • Thibon Alphonse, aux Martins.

Et à Maisonneuve :

  • Bayle, « oeufs en gros » ;
  • Ducros.A., « mécanicien ».

L’installation coûte 350 francs et l’abonnement annuel 29 francs. Les restrictions de circulation entravent le commerce, les négociants en bestiaux ne peuvent plus faire les expéditions en train et reviennent à une transhumance à pied : il faut 3 jours pour faire le trajet Chandolas-Pradelles avec sa manade. Le téléphone est surveillé par l’occupant, les conversations en patois sont interrompues par les espions qui ne comprennent pas ce qui se raconte ainsi.