Les soldats sont revenus mais beaucoup manquent à l’appel, ceux qui reviennent seront solidaires à jamais malgré les divisions politiques. Un monument aux morts sera érigé.
Mais la vie a repris son cours, les querelles scolaires continuent d’alimenter la chronique… Le progrès arrive avec l’installation de l’électricité dans les années trente, avec la poste au chef-lieu. Mais le gros problème est l’eau. Les études commencées avant la guerre reprennent, le financement est trouvé : on bénéficie d’une subvention prélevée sur les courses de chevaux. Le maire, Auguste Dalzon (II) est décédé en 1929 ; son cousin germain, Edouard, le remplacera.
Les travaux commencent, l’entreprise locale Guiraud y participe, on emploie des ouvriers Italiens : pour se comprendre on parle patois.
Les fouilles pour les canalisations sur la place de l’école de garçons font surgir abondance de crânes, pardi c’était autrefois l’emplacement du cimetière.
La prise d’eau est à la source de Ranc d’Avène, le réservoir sur le serre au-dessus. Un lavoir orne, alors, l’entrée du village (à Maisonneuve aussi bien sur), des fontaines publiques sont placées dans chaque quartier. Une fontaine commémorative est dressée face à l’église, l’inauguration avec les personnalités aura lieu le 16 juillet 1933, suivie d’un banquet monstre. L’instituteur, M.Raoult, a organisé un concours de fontaines fleuries. Les communes voisines attendront encore un quart de siècle avant d’avoir l’eau au robinet…et encore…
Mais on fait assaut de modernisme, les mouvements agricoles catholiques répandent les idées de coopération ; les caves coopératives naissent, soutenues par tous : Saint André, Beaulieu, Berrias seront équipées.
La nouveauté c’est l’apparition de l’automobile, elle va remplacer la carriole à cheval (la « jardinière ») lorsqu’elle deviendra aussi rapide. Mais cela nécessite de l’entretien, l’atelier de charronnage de Maisonneuve se transforme, en atelier pour automobiles, motos, cycles : Alfred a appris le métier à la guerre. Les clients sont rares au début, on complétera les services par une aide au labour en profondeur à l’aide de treuils tirant des charrues grâce à un moteur à explosion… Transition vers la mécanisation, une tentative prématurée d’utilisation de tracteurs avorte ; les engins de l’époque ne sont pas assez maniables !
Les loisirs de l’époque (cela n’a guère changé, en fait) sont BBC : belote (normale ou coinchée « la cointche »), boules, chasse. Les cafetiers organisent des jeux de boules et de cartes. Dans l’arrière-cours des cafés auront lieu les projections du cinéma ambulant, la séance est précédée d’une musique tonitruante ; les disques sont choisis avec malice, les maris trompés auront droit pendant des années à une beuglante où il est question de clochettes.
Le coût de la vie augmente, une paire de bœufs de travail se négociait aux alentours de 700 à 1000 francs en 1914, à la veille de la guerre ; à la foire de Marvejols, dès le 25 avril 1918, le cours moyen est de 1800 francs la paire, à Barre les Cévennes le 6 septembre 1936, le prix moyen est à 2500 francs.
Aux élections législatives de 1924, la droite n’a que 40% des voix à Chandolas, mais a tendance à progresser, ceci continuera jusqu’à un équilibre des forces. Les élections municipales font l’objet de campagnes virulentes d’affichage, les proclamations prennent plus un tour personnel et le choix se fera plus sur la personnalité de la tête de liste que sur le programme politique.
Le jeu politique est assez complexe : en 1919, en Ardèche, il y a un seul député à droite ; en 1929 trois sur quatre sont à gauche ; mais en 1936, un seul député soutenant le front populaire est élu. C’est cette année-là qu’un enfant des Martins, Alphonse Thibon, issu des jeunesses catholiques, est élu député de la circonscription de Largentière avec 3000 voix d’avance au second tour. La droite triomphe en Ardèche, au nord sont élus Valette-Vialard et Xavier Vallat.
Passation de pouvoir pour la députation, le docteur Boissin de Saint Alban intronise M.Thibon comme son successeur à la députation…
Une mention spéciale est à faire pour un habitant de Maisonneuve, Gurlhie, il a monté une entreprise de fabrique de filets de pêche à Beauchastel. Cet « industriel » est un « original », il sera l’émule au facteur Cheval et construira des statues naïves devant sa maison dont une partie a échappé au démantèlement du nouveau propriétaire réfractaire à l’art naïf. On peut admirer notre homme à cheval sur un renard (c’était un grand chasseur…), entouré d’un bestiaire de béton armé. Il faisait visiter sa maison et couchait dans un lit lui évitant de se lever la nuit pour besoin pressant, à l’aide d’un ingénieux système de canalisation appelé « canal de Suez ». Il se fera remarquer pendant l’occupation allemande, en peignant ses volets en bleu-blanc et rouge. Sa tombe, imitation d’un tombeau néolithique est encore visible ; il ne pourra obtenir de l’administration le téléphone, pour le cas où il serait enterré « pas tout à fait mort ». Alpiniste, il a équipé de « fils de fer » (via ferrata) la falaise de Maisonneuve, ce qui permet de circuler en surplombant la rivière et il a également installé le drapeau métallique sur le Ranc Redon.